Article actualisé le 13 janvier
L'union européenne n'a vraiment pas besoin de cela ! Après la crise financière, économique, le repli sur soi,
voilà maintenant une atteinte à la démocratie, valeur fondamentale essentielle de l'Union.
Depuis le 1er Janvier 2012, la constitution hongroise, votée depuis le mois d'Avril 2011, est appliquée. Ce texte,
baptisé "Constitution Orbán" par la presse, fait polémique. Pourtant, son adoption est sans surprise (vote à la
majorité des deux-tiers et sans aucune concession aux partis de l'opposition), ce qui explique le surnom de "putsch" constitutionnel donné à ce vote.
Cette constitution est très controversée, pourquoi ?
En dehors des modalités de son
adoption, elle heurte des valeurs fondamentales, acceptées par les membres entrant dans l'Union, donc par la Hongrie en 2004.
Les principales critiques de l'opposition portent sur la négation
de la laïcité, la confusion entre conscience privée et vie publique et une définition de la famille et du droit à la vie suffisamment floue pour laisser la porte ouverte à toute dérive sociétale.
Le texte prévoit aussi de sauvegarder "l'unité spirituelle et intellectuelle" de la nation hongroise et "d’octroyer le droit de vote aux Magyars d’outre-frontière ayant obtenu la citoyenneté hongroise, sans condition de résidence en Hongrie, une décision qui risque
fort de réveiller de vieux démons (source: "Toute
l'Europe", 19 avril 2011) dans des nations où ces querelles nationalistes restent encore très vives. Même la politique fiscale (taux
d'imposition unique à 16%) est maintenant inscrite dans le texte, ce qui empêcherait à tout nouveau gouvernement de revenir sur cette décision.
Les contre-pouvoirs sont limités, comme celui de la Cour
constitutionnelle qui voit son champ d'intervention diminué puisqu'elle ne contrôle plus le budget. Un nouveau découpage des circonscriptions favorise nettement le parti au pouvoir (il n'est pas
le seul état à "charcuter" les circonscriptions !). Pratiquement, l'opposition ne peut reprendre le pouvoir par des moyens légaux; le rôle du parlement (il n'y a pas de bi-camérisme) est celui
d'une chambre d'enregistrement. La liberté d'expression est limitée comme en témoigne la disparition de " KlubRadio", la seule radio d'opposition, et les postes importants sont détenus par des
personnalités nommées par V. Orban.
Sur les aspects principaux de ce texte, voir le site de
"Toute l'Europe"En fait, la politique voulue par Viktor Orban a beaucoup de points communs avec le régime autoritaire de Horthy entre les deux guerres et, plus grave car actuel, avec des aspects de la politique européenne préconisée par
certains eurosceptiques français. Il faut aussi se rappeler que la Hongrie est l'un des pays de l'Union les plus touchés par la crise; la monnaie a atteint ces jours-ci un de ses niveaux les plus
bas. La population et l’économie sont fragilisées et les perspectives ne sont pas bonnes. Le FMI et l’UE servent de boucs émissaires : tous ces éléments expliquent en partie le retour du
nationalisme et d’un certain repli sur soi.
Face à
cette situation, que peut faire l'Union ?
Elle ne
peut admettre que les valeurs qui fondent la démocratie, en particulier, le pluralisme politique et la liberté de la presse soient bafouées par un de ses membres; mais a-t-elle les moyens
d'intervenir ?
La Commission devrait décider dans les jours qui viennent si les
nouvelles lois constitutionnelles controversées adoptées en Hongrie, dont celle réformant la Banque centrale, sont ou non conformes à la législation de l'UE et requièrent ou non l'ouverture de
procédures pouvant mener à des sanctions. Elle a également menacé récemment de ne pas reprendre les pourparlers sur une aide financière sans garanties sur l'indépendance de la Banque centrale. Le
gouvernement hongrois a urgemment besoin de l'aide européenne et du FMI pour financer sa dette : un moyen de pression pour la Commission ?
Le Parlement européen réagit en ordre dispersé; le
Parti populaire européen, première force politique au Parlement, compte en effet dans ses rangs, aux côtés de l'UMP française ou de la CDU allemande, la Fidesz, la
formation au pouvoir en Hongrie; Viktor Orban est même l'un des vice-présidents du Parlement. On peut comprendre que la solidarité avec les manifestations des opposants hongrois soit difficile
dans ces conditions. Cependant, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre dans l'hémicycle pour que le parlement sorte enfin de sa léthargie. Le dire, c'est bien, mais encore faut-il
qu'on l'entende- les médias ne relaient rien-, et les moyens juridiques sont très limités pour faire appliquer ce qui est demandé, même avec véhémence.
C'est le cas des "Verts" menés par D
Cohn-Bendit (vidéo),
des démocrates et libéraux qui
jugent que l"'Europe ne peut se permettre d'ajouter une crise morale à la crise obligataire et économique qui créée déjà de fortes tensions dans nos
sociétés".
Dénoncer, c'est bien, mais encore faut-il se faire
entendre- les médias ne relaient rien-, et les moyens juridiques sont très limités.
La commission parlementaire LIBE, compétente en la matière, a été
saisie de cette demande. Ce sera ensuite au Conseil de prendre ses responsabilités: le veut-il vraiment ? Sa dernière action (en 2000) contre la participation de l'extrême droite autrichienne au
gouvernement n'a pas laissé un bon souvenir.
La Cour européenne des droits de l'homme pourrait-elle intervenir ? Ce sont des affaires internes à un état, et elle n'agit
qu'en cas d'atteinte à un individu : il faudra encore un certain temps avant des actions concrètes.
Quoiqu'il en soit, et malheureusement pour elle et pour les Européens, l'Europe n'a vraiment pas besoin d'ajouter une nouvelle
crise à son tableau, déjà suffisamment noirci par la crise économique !
Compléments du 13 Janvier : voir ci-dessous un article paru le
13 Janvier et, en particilier cet extrait qui illustre malheureusement bien le déficit démocratique actuel de l'Union Européenne:
Touteleurope.eu : Pourquoi la Commission européenne semble-t-elle avant tout s'inquiéter de l'indépendance de la Banque
centrale, et moins des atteintes aux libertés ou de l'indépendance de la justice ?
J.-M. D.W. : C'est une excellente question ! C'est tout le problème de la construction européenne aujourd'hui, et ce genre
d'attitude fait à mon avis monter l'euroscepticisme. La Commission se fait le porte-parole d'une vision économique et financière du monde, et non plus la gardienne des valeurs pour lesquelles les
communautés européennes ont été créées. On a effectivement l'impression que, pour la Commission, l'indépendance de la banque centrale est plus importante que le droit des sans-papiers, la liberté
de la presse, le droit de l'opposition à s'exprimer ou le droit de la minorité rom…
Sur ce dernier point, les mots de la commissaire Viviane Reding à l'égard de la France en 2010 sont plutôt exceptionnels.
Cela fait bien longtemps que la Commission européenne a cessé d'être regardante sur de telles atteintes aux droits. Et cela devient désormais une habitude : la politique de l'Union européenne est
à très courte vue.
L'article de Toute l'Europe auquel il est fait allusion peut être lu en cliquant sur leur lien
ICI
On peut aussi consulter le communiqué du groupe Spinelli du
Parlement européen